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Gérard Pussey collabora pendant près de 20 ans avec le magazine ELLE, entre autres journaux. Voici quelques extraits de son travail choisis parmi les très nombreuses critiques littéraires dont il est l’auteur.

Alors que paraissait une biographie sur René Fallet , disparu en 1983, Gérard Pussey, son neveu, s’était souvenu de lui.

 

« Cher Tonton, voilà 22 ans que s’est éteinte ta dernière gauloise, que nous ne rions plus ensemble et que j’ai un peu plus froid malgré le réchauffement planétaire. Pourquoi ne t’ai-je jamais avoué, de ton vivant, à quel point ta compagnie était un enchantement et d’être ton neveu un miracle ? Je te retrouve tout entier dans ce portrait en pied que Michel Lécureur* fait de toi : le vélo, la pêche, les femmes, Prévert cité Véron, Brassens rue Santos-Dumont… Tu m’as fait partager tout ça, mis dans toutes tes confidences. Tu accélérais ma vie. T’avoir connu est une chance. Je m’en retourne souvent pédaler dans les côtes de ton cher Bourbonnais où nous souffrions en silence, épaule contre épaule, et m’en vais parfois te retrouver sur les bords de la Besbre, là où tu piquais truites, chevesnes et vandoises.

Quant à cet amour de la langue française, que tu as su m’enseigner et que nous partagions, il m’a sauvé de tout en me permettant de vivre plus fort, plus haut. Tu sacrifiais tout à l’écriture, à l’impeccable smoking de ton style, dissimulant sous le maquillage de la drôlerie une vraie profondeur (« La soupe aux choux » n’est-il pas le roman des renoncements de l’âge et de la mort ?) Jeune, tu te réclamais d’un populisme qui était encore celui de Calet, pas celui de Le Pen, et tu écrivais au feutre rouge, à même les murs, des poèmes qui incendiaient ta chambre. Et puis , très vite, tu as disparu, avant tes amis Blondin et Guimard, ta mort inaugurant en quelque sorte les funérailles du style « à la française ». Aujourd’hui que je ne t’ai plus auprès de moi, j’ai hérité de tes maîtres. Rimbaud, Léautaud, Aymé, Hemingway m’accompagnent sur cette terre où tu n’es plus. Il me reste aussi de toi ta Rolex toujours en panne que je garde au poignet comme un fétiche (ton stylo Mont-Blanc, on me l’a volé) et désormais cette belle biographie qui peine légitimement à contenir toute ta vie d’homme de fantaisie et de passion. »

*  « René Fallet, le braconnier des lettres », de Michel Lécureur (Les Belles Lettres)

Patrick Modiano

« Un pedigree »

 Gallimard

(…) Il y a de l’Étranger dans ce somnambule résigné et docile qui ne s’implique pas dans son siècle (…) « Un pedigree » répète aux sursitaires que nous sommes tous,  ce que l’œuvre de Modiano murmure depuis toujours : nous participons dans la pénombre à un ballet qui est le rituel obligé des vivants ; nous dansons notre pavane macabre dans le soir qui descend, mais, en vérité, nous ne sommes déjà plus de ce monde.

 

Richard Millet

« Le goût des femmes laides »

 Gallimard

(…) Voilà le crédo de l’œuvre de Millet : comment nous faire pardonner d’être là ? S’abstenant du lyrisme épique qui enfle ses ouvrages précédents, Millet, dans celui-ci, se tient droit et précis, dans l’andin qu’il fauche et où se dressent ses vieilles obsessions : la culpabilité et l’expiation (…) Et il va sans dire que le « laidassous » - encore plus que les autres créatures – est coupable et damné, car marqué à tout jamais, en raison de sa laideur même, par l’impossibilité de sa rédemption.

 

Jacques A. Bertrand

« La course du chevau-léger »

Julliard

Voilà un auteur singulier dans notre paysage littéraire. (…) Unique par son élégance désabusée, son désenchantement plein de distinction et sa façon d’écrire, sans en avoir l’air, avec une subtile mise à distance. (…) Nous ne déflorerons pas ce nouveau bref roman, mais retenons que sa désinvolture, grave et drôle à la fois, sa tristesse allègre en font tout le prix. Bertrand s’y montre, comme toujours, un funambule plein de grâce qui rit au bord des gouffres et voit dans la légèreté une indispensable politesse à rendre à l’existence.

 

Marc Lambron

« Étrangers dans la nuit »

Grasset

(…) Nous avions aimé l’écriture rapide de ses deux premiers romans, courts et noctambules, qui révélaient un homme pressé, de la race d’un Morand. Avec ce gros livre qui prend son temps, Lambron regarde plutôt du côté de Malaparte et de Hemingway (…) Reste que ce fort volume, qui cavale de Fellini à « Apocalypse now », s’avale d’une seule traite. Après tout, en cette rentrée où tant de livres nous tombent des mains, il serait mal venu de bouder la manière Lambron, tellement romantique, tellement romanesque.

 

Jean-Noël Pancrazi

« Les Dollars des sables »

Gallimard

Exilé en République dominicaine, un écrivain aisé noue avec un jeune métis tendre et brutal une relation à la fois paternelle, amoureuse et vénale. Sexes, âmes et pesos mêlés (…) Travaillé par les renoncements de l’âge et la proximité de la mort, ce superbe récit évoque, avec une justesse terrible, la solitude, la crainte et l’humiliation que suscite la dépendance amoureuse sans réciprocité (…) Mais on sait depuis longtemps que Pancrazi n’a pas son pareil pour dévoiler à son lecteur cette part à vif qui est en lui, cette balafre sanglante qu’il porte sur l’âme.

 

 

Jérôme Garcin

« L’écuyer mirobolant »

Gallimard

(…) Contre le débraillé et la facilité qui cherchent à gouverner notre époque, Garcin rend hommage aux valeurs de l’écuyer Beudant : l’humilité, l’opiniâtreté, la patience, l’écoute. On voit qu’on aurait tort de prendre pour un simple traité d’hippologie cet ouvrage qui évoque surtout une chevalerie de l’exigence en quête d’absolu (…) On doit le lire comme un cours de maintien, un vade-maecum pour qui voudrait tenir sa vie au mors, un superbe manuel de savoir-vivre et de savoir-mourir. Puisqu’on finit tous, quoi qu’il advienne, par vider les étriers.

 

Patrice Delbourg

« Toujours une femme de retard »

Le Cherche-midi

(…) Buissonnier de nos lettres, Delbourg verse dans son œuvre poétique et romanesque la part douloureuse de lui-même : son enfance, ses relations avec les femmes, son dégoût de lui-même (…) Ce désespoir chronique fait de lui une des plumes les plus noires de notre paysage littéraire et, paradoxalement, une des plus drôles et bondissantes, généreuses et inventives. Dans ce dernier roman, qui est un peu celui de sa vie, l’auteur prend ainsi congé de son lecteur : « J’ai tout perdu. N’insistons pas. Je vous laisse. Bonne nuit » Un conseil : suivez Delbourg dans son sommeil agité. Ses cauchemars hypocondriaques sont l’Assomption du lecteur exigeant.

 

Jean-Paul Dubois

« Si ce livre pouvait me rapprocher de toi »

L’Olivier

 (…) C’est un roman initiatique, léger et profond, gonflé d’amour et de larmes, un « road-novel » pour lequel Kerouac aurait été relu et corrigé par un Fitzgerald encore plus mélancolique que Francis-Scott lui-même. (…) Tous ceux qui ont la nostalgie de leur enfance et qui restent orphelins du petit garçon qu’ils furent (les seuls hommes un peu fréquentables) devraient s’imprégner de ce récit parfaitement original qui s’enrichit de ses nombreuses références, comme un fleuve s’enfle de ses affluents.

 

Patrick Besson

« Saint-Sépulcre ! »

Fayard

 Le roman se déroule il y a moins de mille ans. La terre est encore plate et rectangulaire et les criminels sont essorillés avant d’être brûlés ou enterrés vivants. C’est la douce période des croisades (…) On meurt d’un rien. D’un coup sur la tête, d’un accouchement, d’une colique… (…) Mais on ne résumera pas un livre dont l’intérêt est ailleurs, dans ce qu’il a de « bessonien », dans ses réflexions en forme de boutades, dans ses aphorismes et ses vigoureux apartés. L’auteur chasse le lieu commun avec le fleuret du paradoxe et le char d’assaut de la provocation (…) Tant pis pour l’anachronisme : Besson, c’est le hussard des croisades !

 

Jean-Claude Pirotte

« Une adolescence en Gueldre »

La Table Ronde

Pirotte est un chemineau des lettres qu’on croise sur les routes de Belgique et de Hollande où il traîne sa mélancolie sous un ciel bas (…) Il poldérise la saudade et  donne des coups de chapeau aux écrivains de son sang – Dhôtel, Hyvernaud, Follain, Hardellet - en tentant d’enclore dans ce brillant et déroutant petit récit la cavale d’Ange Vincent, enfant fugueur et narrateur de ce bref ouvrage (…) Avec l’illusionniste Pirotte, contrebandier de l’émotion, tout n'est que reflets et trompe-l’œil, esquives et effleurements. Et pourtant tout est dit.

 

Dominique Fabre

« La serveuse était nouvelle »

Fayard

C’’est l’histoire d’un garçon de café, Pierre, 56 ans, divorcé, désintoxiqué, vingt-huit annuité à la Sécu, trente ans qu’il exerce dans la limonade au Comptoir du Cercle, à Asnières, (…) quand son patron disparaît, vraisemblablement pour une autre femme. Alors voici Pierre seul avec la patronne, Isabelle, qui, pour ne pas rester seule, invite le serveur au couscous du coin. « Je lui ai ouvert sa portière comme si j’étais aussi chauffeur à mes heures perdues et elle princesse de temps en temps ». Ce roman sur la solitude est une merveille de simplicité, de justesse, de délicatesse. Fabre est un Emmanuel Bove sans la résignation, un John Fante fleur bleue.

 

Christian Bobin

« Prisonnier au berceau »

Mercure de France

Présente-t-on encore le divin Bobin ? Dans ses romans, les chats et les canaris parlent et les saints de plâtre s’envolent. Le dernier opus du chamane du Creusot est un petit livre d’heures enluminé d’étoiles candides, d’une gravité légère et d’une profondeur lumineuse. Bobin l’a imaginé la tête renversée vers d’invisibles galaxies. Certaines de ses pages plongent dans l’enfance, d’autres regardent vers la mort (…) Cette collection d’enchantements constitue l’essentiel des béatitudes de ce troubadour illuminé. Et les nôtres par contrecoup.

 

Jean d’Ormesson

« Une fête en larmes »

Robert Laffont

Sur les quais de Seine, au restaurant le Voltaire, un académicien très très vert se souvient de son XX é siècle. (…) Il faut dire que les livres de Jean d’Ormesson sont un benjoin qui devrait être prescrit sur ordonnance aux dépressifs et aux hypocondriaques. Ce sont des manuels de félicité, des talismans, des gri-gris (…) Avec celui-ci, il regarde dans les braguettes de l’histoire, la grande comme la petite, et y trouve à philosopher gaiment… Peut-être certains se souviennent-ils, dans Spirou, des « Belles Histoires de l’Oncle Paul ». Nous sommes tous les nièces et neveux de l’Oncle Jean !

Michel Déon

« Cavalier… passe ton chemin ! »

Gallimard

(…) Avec sa fascination habituelle pour les crépuscules et un fatalisme souriant mais désenchanté, Déon se penche sur une Irlande en train de disparaître. Pour cela, il nous ouvre cette galerie de portraits des représentants réfractaires d’une Irlande ancienne, esprits originaux et derniers des Mohicans rebelles aux forces du modernisme et aux attraits du tourisme galopant (…) Dans un livre ancien Déon augurait : « Nous allons vers un monde où il y aura de moins en moins de poneys sauvages » Magistralement portraiturés, en voici les ultimes spécimens.

 

Arnaud Guillon

« Près du corps »

Plon

A Grandville, au cœur de l’été, un homme de 91 ans vient de mourir (…) Jacques, son petit-fils, le narrateur, 40 ans, s’en va rôder dans cette villa où il vécut une enfance heureuse. Argument en or pour Guillon qu’on sait nourri de mélancolie et du regret des paradis perdus (…) Dans la grande maison des bonheurs enfuis, sous l’apparent détachement que lui confère une écriture toujours plus concise, plus distanciée et savante dans la litote, s’immisce le désarroi de Guillon : quel prix la mort donnerait-elle à la vie puisqu’elle la prive de tout sens ?

 

François Cérésa

« J’ai bien connu mon frère »

Éditions du Rocher

En 1943, Claude et Julien sont en âge de s’engager dans la France occupée. Seulement voilà, ils choisissent des camps opposés… Alors, frères ennemis ? Revenus dans leur village pour y enterrer leur mère, ils sont surpris par les représailles d’un commando SS. Un seul en réchappe, mais lequel ? (…) Ce briscard de Cérésa s’y entend pour raconter une histoire ; il ne nous dévoilera qu’à la dernière ligne l’identité du survivant (…) Il y a quelques années, Cérésa écrivait la suite des Misérables, dans ce livre-ci, il fait parler Céline lui-même. On vous le dit : Cérésa à tous les culots ! Et son lecteur bien du plaisir...

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